Autorité légitime et fondation du légal par Jacques Sapir

14 Mai 2018

Si une loi, une règle, une norme ne peut être contestée immédiatement, elle pourra l’être dans le futur parce que le contexte dans lequel cette loi a été promulguée a changé. Le droit ne peut se définir par lui-même ; il doit être situé dans des contextes particuliers, et par là même il est contestable. Il faut pouvoir penser la décision, c’est à dire l’acte qui ne soit pas l’application mécanique d’une norme mais bien d’une création subjective d’un individu ou d’un groupe d’individus. On ne peut pas comprendre ce qui constitue une société si on fait l’abstraction de la capacité qu’ont les hommes de créer, souvent à leur insu , des institutions nouvelles à partir de leur subjectivité. Cette création ne pouvant être laissée au hasard, il faut penser au cadre dans lequel elle se fait. Cette décision, qu définit en réalité qui détient la souveraineté dans une société, est au cœur du politique.

C’est la personne, l’instance ou l’institution qui détient la souveraineté qui a autorité pour contester la loi. Il faut distinguer dans la loi l’aspect technique et les principes du droit. L’appareil technique peut être établi ou corrigé par des cours mais les principes du droit dépendent essentiellement de celui qui a la souveraineté.

Antigone prise sur le fait
et arrêtée par les gardes.

Cette articulation entre légitimité et légalité est vieille comme le monde . C’est elle que l’on retrouve dans la tragédie de Sophocle : Antigone. Cette tragédie est construite autour de trois personnages : le roi Créon veut ramener l’ordre dans la cité après une guerre civile et défend le principe de « légalité ». Antigone se situe du point de vue de la légitimité en ne voulant pas laisser Polynice sans sépulture pour ne pas faire injure aux dieux. Le troisième personnage Hémon, le fils du roi et fiancé de la condamnée affirme quant à lui la nécessité de respecter à la fois la légitimité et la légalité. Pour les grecs anciens , la tragédie a une fonction d’éducation populaire.

Il s’est développé ensuite dans le cadre de la Rome républicaine puis dans la Rome impériale les notions d’ « auctoritas » la légitimité et de « Potestas », la capacité de faire appliquer la loi c’est à dire la légalité. Tous les grands magistrats romains devaient détenir les deux.
Tous les juristes qui ont réfléchi sur un monde qui ne serait réglé que par la légalité ont abouti à la même conclusion : ce serait un monde tyrannique. On voit donc la nécessité d’une autorité, c’est à dire de la combinaison d’un pouvoir d’agir, de punir, de sanctionner, et d’une légitimité pour le faire. Nous sommes confrontés à la combinaison de la « potestas », c’est à dire le pouvoir d’agir et de faire, et de l’ « auctoritas », soit du droit moral et politique – au sens où la morale est partagée par une communauté politique – de le faire.

Ça devrait vous plaire aussi :

Gramsci et les greffes d’ovaires

Gramsci et les greffes d’ovaires

Qu’aurait pensé le philosophe Antonio Gramsci (1891-1937), cofondateur du Parti communiste italien (1921), de l’artificialisation et de la marchandisation de la reproduction humaine, telles qu’elles se développent aujourd’hui, en attendant de devenir la norme ? Que pensait-il de l’eugénisme/transhumanisme, déjà hégémonique de son temps, parmi les biologistes et les adeptes du « socialisme scientifique » (Trotski, Bogdanov & Cie) ? Il se trouve que le petit bossu à grosse tête a publié là-dessus, en 1918, un article que PMO remet en circulation.

L’écoféminisme

L’écoféminisme

L’écoféminisme est une transmission. C’est l’œuvre des femmes qui étaient avant nous,c’est pour nous et c’est pour les femmes après nous. C’est une matrilinéarité magnifique. C’est quelque chose qui réside dans la chair, cela fait corps. C’est aussi un rapport avec tout ce qui n’est pas humain.

Élections 2022 par « Lieux communs »

Élections 2022 par « Lieux communs »

Les élections françaises suivent depuis des décennies une trajectoire en spirale descendante : chaque scrutin accentue les traits les plus régressifs du précédent. Les non-campagnes électorales n’arrivent même plus à cacher la nullité des prétendants tandis que le délabrement omniprésent de la société est devenu un fait admis. Cachée par une apparente continuité institutionnelle, la crise de régime larvée révèle un chaos idéologique et social qui s’approfondit et nous fait entrer dans un univers de moins en moins familier.

0 commentaires