Appel des Chimpanzés du futur

5 Avr 2019

Frères humains, sœurs humaines,

Vous avez entendu parler du transhumanismetranshumanisme Le transhumanisme est l’idéologie de la technocratie à l’ère des technologies convergentes (NBIC). La volonté de puissance prométhéenne formulée par Condorcet à l’aube de la révolution industrielle, afin de se rendre immortels « comme des dieux », se traduit d’abord par l’eugénisme. Un mot discrédité par les nazis et que le biologiste Julian Huxley remplace en 1957 par celui de transhumanisme. et des transhumanistes ; d’une mystérieuse menace, groupe fanatique, société de savants et d’industriels, discrète et puissante, dont les menées occultes et l’objectif affiché consistent à liquider l’espèce humaine pour lui substituer l’espèce supérieure, « augmentée », des hommes-machines. Une espèce résultant de l’eugénisme et de la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, des neurotechnologies et des immenses progrès de la science.

Vous avez entendu l’ultimatum, cynique et provocant, de ce chercheur en cybernétique : « Il y aura des gens implantés, hybridés, et ceux-ci domineront le monde. Les autres qui ne le seront pas, ne seront pas plus utiles que nos vaches actuelles gardées au pré. » [1]cf. Magazine Au fait, mai 2014 et encore, « Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s’améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur. » [2]Libération, 12/05/02

Et vous vous êtes demandé s’il fallait prendre ces esbroufes au sérieux, ou s’il ne s’agissait que de science-fiction et de l’expression boursouflée de l’orgueil technocratique.

Hélas, le danger est véritable, et l’Humanité affronte une tentative d’extinction, fomentée par et pour une faction égoïste, implacable et toute-puissante, lasse de partager ce monde résiduel avec des masses de bouches inutiles et toujours plus nombreuses.

Comment en sommes-nous venus là, et que devons-nous faire ?

Au début, il y avait les poètes.

« J’ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d’artiste et de conteur emportée ! »

Rimbaud

« C’est un homme ou une pierre ou un arbre qui va commencer le quatrième chant. »

Ducasse

Puis les artistes futuristes, Français, Italiens, Soviétiques ; Marinetti, Maïakovski, Apollinaire et tant d’autres, chantres de la violence et de la vitesse ; clairons et rescapés de la Grande Guerre industrielle et mondiale, exaltèrent dans la technologietechnologie La technologie résulte des noces de la science et du capital à l’époque de la révolution industrielle. Le mot de technologie, au sens moderne, apparaît en 1829 sous la plume de Bigelow, un universitaire américain. La puissance du capital et de l’État ne peut s’accroître sans révolutionner constamment les moyens de la puissance. le vrai moyen de « changer la vie » et de « transformer le monde ». Ils firent la guerre aux vieilleries poétiques, au soleil et à la lune ; ils glorifièrent les aéronefs, les barrages, les moteurs, l’électricité, les Titanic, les Métropolis, les armées blindées, les stades gigantesques. Et les robots, les masses mécanisées.

Ils propagèrent les deux grands mouvements de l’époque : la technologie et le totalitarisme. Deux mouvements convergents. Deux aspects d’un même mouvement d’ingénieurs des hommes et des âmes, visant la fabrique de l’homme nouveau, de l’Übermensch nazi à l’Homme d’acier communiste en passant par toutes les variétés de surhommes et de Supermen, pour aboutir au cyborg ; à l’homme bionique des laboratoires transhumanistes, « hybridé » d’implants et d’interfaces.

Dès les années Trente, le national-révolutionnaire Ernst Jünger, critiquait le racisme biologique et grossier des nationaux-socialistes, pour lui opposer l’avènement d’un nouveau type d’humanité : Le Travailleur – en tchèque, le robot.

Ces progressistes au plan technologique sont des régressistes au plan social et humain, des partisans de la pire régression sociale et humaine ; ce qu’en langage commun on nomme des réactionnaires. Le nazisme, le fascisme et le communisme n’ont succombé que face au surcroît de puissance technoscientifique des Etats-Unis. Mais l’essence du mouvement, la volonté de puissance technoscientifique, s’est réincarnée et amplifiée à travers de nouvelles enveloppes politiques. Le laboratoire est florissant d’où s’est enfuie la créature immonde. Dès 1945, Norbert Wiener mettait au point la cybernétique, la « machine à gouverner » et « l’usine automatisée », qu’IBM implante aujourd’hui sous le nom de « planète intelligente ». C’est-à-dire la fourmilière technologique ubiquitaire, avec ses rouages et ses connexions, ses insectes sociaux-mécaniques qui se nommaient eux-mêmes, jadis, des zoon politikon, des animaux politiques.

Pour les transhumanistes et les collabos de la machine, l’humain est l’erreur. L’humain est faible et faillible, l’humain est fini. L’humain leur fait honte. Ils aspirent à la perfection, au fonctionnement infaillible et à l’infinité du système technologique ; à se fondre dans cette totalité autonome.

Les transhumanistes trouvent des soutiens partout. Ils s’expriment dans les émissions de radio et dans les journaux de référence. « L’homme augmenté, c’est déjà demain », proclame l’hebdomadaire citoyen qui se réjouit du fait accompli. « Un autre transhumanisme est possible », déclare l’Association française transhumaniste. On n’arrête pas le progrès et la gauche est pour le progrès. Etre de gauche, c’est réclamer le droit et les moyens de l’hybridation homme-machine pour toussétoutes ; d’un service public de l’eugénisme, nouvelle branche de la sécurité sociale.

Cependant, nous les chimpanzés du futur, nous n’avons pas perdu, et la machine n’a pas gagné.
L’Humain reste une bataille en cours tant qu’il ne s’abandonne pas, et il ne s’abandonne pas tant qu’il pense les choses et les dit avec des mots. Nommer une chose, c’est former une idée, et les idées ont des conséquences inévitables. Nous devons garder les mots et nommer les choses du mot juste. Nous devons former des idées avec leurs conséquences inévitables.

Les transhumanistes n’ont qu’une idée : la technologie.
Nous, chimpanzés du futur, n’avons qu’une technologie : les idées.
Cependant les idées sont plus actives, plus rapides, plus performantes que n’importe quelle technologie ; plus véloces et puissantes qu’Internet et l’électricité.
Pièces et main d’oeuvre
Nous disons : le transhumanisme est un nazisme en milieu scientifique. C’est ce techno-totalitarisme, ce « fascisme » de notre temps que nous combattons, nous, animaux politiques : Et nous vous appelons à l’aide.

Sauvons les mots.


Les animaux politiques qui écrivent à l’enseigne de Pièces et main d’œuvre combattent le transhumanisme depuis une quinzaine d’années. Ils ont déjà publié nombre de livres sur des sujets voisins, Terreur et Possession, Aujourd’hui le Nanomonde, L’Industrie de la contrainte, etc.

Service compris, septembre 2017
ISBN – 979-10-94229-99-6
348 p.
20 €

References

References
1 cf. Magazine Au fait, mai 2014
2 Libération, 12/05/02

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