VII/ Le travail, domination patriarcale

6 Jan 2019

Le travailTravail Pour le courant de la critique de la valeur, Il ne faut surtout pas entendre le travail ici comme l'activité, valable à toute époque, d'interaction entre l'homme et la nature, comme l'activité en générale. Non, le travail est ici entendu comme l'activité spécifiquement capitaliste qui est automédiatisante, c'est à dire que le travail existe pour le travail et non plus pour un but extérieur comme la satisfaction d'un besoin par exemple. Dans le capitalisme le travail est à la fois concret et abstrait. Source: Lexique marxien progressif, par sa logique et son broyage en matière-argent, a beau y tendre, tous les domaines sociaux et les activités nécessaires ne se laissent pas enfermer dans la sphère du temps abstrait. C’est pourquoi, en même temps que la sphère du travail érigée en sphère autonome, est née, comme son revers, la sphère du foyer, de la famille et de l’intimité.

Ce domaine défini comme « féminin“ demeure le refuge des nombreuses activités répétitives de la vie quotidienne qui ne sont pas transformables en argent, ou seulement de manière exceptionnelle : depuis le nettoyage et la cuisine, jusqu’à l’éducation des enfants et les soins aux personnes âgées, en passant par le « travail affectif“ de la femme au foyer idéale qui chouchoute son travailleur de mari, lessivé par le travail, pour qu’il puisse « faire le plein de sentiments“. C’est pourquoi la sphère de l’intimité, en tant que revers du travail, se trouve transfigurée par l’idéologie de la famille bourgeoise en domaine de la « vraie vie“ même si, en réalité, dans la plupart des cas, elle ressemble à un enfer intime.

C’est qu’il ne s’agit pas d’une sphère où la vie serait meilleure et vraie, mais d’une forme d’existence aussi bornée et réduite dont on a seulement inversé le signe. Cette sphère est elle-même un produit du travail ; séparée de lui, certes, mais n’existant que par rapport à lui. Sans l’espace social séparé que constituent les formes d’activités « féminines“, la société de travail n’aurait jamais pu fonctionner. Cet espace est à la fois sa condition tacite et son résultat spécifique.

Ce qui précède vaut également pour les stéréotypes sexuels qui se sont généralisés à mesure que le système de production marchande se développait. Ce n’est pas un hasard si l’image de la femme gouvernée par l’émotion et l’irrationnel, la nature et les pulsions ne s’est figée, sous la forme de préjugé de masse, qu’en même temps que celle de l’homme travailleur et créateur de culture, rationnel et maître de soi. Et ce n’est pas un hasard non plus si l’autodressage de l’homme blanc en fonction des exigences insolentes du travail et de la gestion étatique des hommes que le travail impose est allé de pair avec des siècles de féroce « chasse aux sorcières“.

De même, l’appropriation du monde au moyen des sciences naturelles, qui a commencé simultanément, a été dès le départ contaminée par la fin en soi de la société de travail et les assignations sexuelles de celle-ci. Ainsi, pour pouvoir fonctionner sans accroc, l’homme blanc a-t-il chassé de lui tous les besoins émotionnels et tous les états d’âme dans lesquels le règne du travail ne voit que des facteurs de trouble.

Atelier de mécanographie, 1955 – HSBC France – Archives historiques

Au XXe siècle, surtout dans les démocraties fordistes de l’après-guerre, les femmes ont été de plus en plus intégrées au système du travail. Mais il n’en est résulté qu’une conscience féminine schizophrène. Car, d’une part, la progression des femmes dans la sphère du travail ne pouvait leur apporter aucune libération, mais seulement le même dressage à l’idole Travail que celui des hommes. D’autre part, la structure de la « scission“ restait inchangée et avec elle la sphère des activités dites « féminines“ en dehors du travail officiel. Les femmes ont ainsi été soumises à une double charge et, du même coup, exposées à des impératifs sociaux complètement opposés. Jusqu’à présent, dans la sphère du travail, elles restent reléguées principalement dans des positions subalternes et moins payées.

Aucune lutte pour les quotas de femmes et les chances de carrière féminine n’y changera rien, car ce type de lutte reste dans la logique du système. La misérable vision bourgeoise d’une « compatibilité entre vie professionnelle et vie familiale“ laisse pleinement intacte la séparation des sphères propre au système de production marchande, et par là la structure de la « scission“ sexuelle. Pour la majorité des femmes, cette perspective est invivable, et pour une minorité de femmes « mieux payées“ il en résulte une position perfide de gagnantes au sein de l’apartheid social, qui leur permet de déléguer le ménage et la garde des enfants à des employés mal payés (et « naturellement“ féminins).

En vérité, dans la société en général, la sphère, sanctifiée par l’idéologie bourgeoise, de la « vie privée“ et de la famille se dégrade et se vide toujours davantage de sa substance parce que, dans sa toute-puissance, la société de travail exige l’individu entier, son sacrifice complet, sa mobilité dans l’espace et sa flexibilité dans le temps. Le patriarcat n’est pas aboli, il ne fait que se barbariser dans la crise inavouée de la société de travail. À mesure que le système de production marchande s’effondre, on rend les femmes responsables de la survie sur tous les plans, tandis que le monde “ masculin “ prolonge par la simulation les catégories de la société de travail.

« L’humanité dut se soumettre à des épreuves terribles avant que le moi, nature identique, tenace, virile de l’homme fût élaborée et chaque enfance est encore un peu la répétition de ces épreuves.. »

Max Horkheimer, Theodor Adorno, la Dialectique de la raison

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